Restauration d’un groupe sculpté dédié à Shango

Le groupe sculpté dédié en Shango, en cours d’étude et avant sa restauration
Conserver, étudier, valoriser et transmettre le patrimoine sont les missions premières d’un musée.
Au cours de son histoire et de ses voyages, « l’autel de Shango » a été démonté plusieurs fois. Une partie des éléments a été désolidarisée et certains ont été irrémédiablement perdus.

Une photographie reproduite en 1898 par l’archéologue et historien d’art allemand Leo Frobenius nous permet d’avoir une vision plus complète de l’objet. Aujourd’hui conservée à l’Institut Frobenius en Allemagne, elle présente l’autel monté avec ses personnages et couvert d’une structure évoquant une maison.

« Petit temple de Shango, culture Yoruba, Musée de la Propagation de la Foi, Lyon ».

« Petit temple de Shango, culture Yoruba, Musée de la Propagation de la Foi, Lyon ». Institut Frobenius, inv. KBA 10326. © Frobenius-Institut

L’habitation, qui était probablement une reconstitution, est aujourd’hui manquante. Grâce à cette photographie, certains éléments en fer entourant la maison ont pu être retrouvés dans les collections et rattachés à l’ensemble. Cette photographie, prise il y a plus de 120 ans, montre comment les statuettes étaient positionnées sur le plateau. Elle indique également la place des amulettes.

Marie Perrier, chargée des collections africaines et océaniennes et Camille Benecchi, conservatrice-restauratrice spécialisée en objets composites placent les personnages selon leur position initiale

Marie Perrier, chargée des collections africaines et océaniennes et Camille Benecchi, conservatrice-restauratrice spécialisée en objets composites placent les personnages selon leur position initiale. © musée des Confluences, Sylvain Béguin

Cette photo permet à la conservatrice-restauratrice, Camille Benecchi, de vérifier la position adéquate de chacun des éléments du groupe sculpté qui a maintes fois été démonté et de vérifier où se positionnent les éléments détachés (perles, amulettes). En revanche, on constate que sur la photographie du 19e siècle, la double hache est positionnée sur la tête d’Oya, ce qui est contraire à l’analyse iconographique. Nous avons donc décidé de la positionner sur Shango.

Camille Benecchi positionne les éléments mobiles sur les personnages principaux du groupe sculpté

Camille Benecchi positionne les éléments mobiles sur les personnages principaux du groupe sculpté © musée des Confluences, Sylvain Béguin

Le travail de Camille sur cet objet a duré 5 jours. Il a d’abord consisté à réaliser un constat d’état, c’est-à-dire un document qui décrit précisément toutes les dégradations existantes sur l’objet, à un instant donné. Elle a ensuite réalisé un dépoussiérage léger, puis a vérifié l’adhésion de la couche picturale polychrome. Ponctuellement, elle l’a consolidée et refixée. Des cocons et des déjections d’insectes - traces d’une infestation antérieure - ont été retirés.

Les principales altérations structurelles de cet objet sont situées sur les éléments mobiles : cinq pendants et ornements comportent de nombreux bris au niveau des fils, cordelettes et lanières de cuir supportant notamment des cauris et perles.

Restauration de l'autel de Shango

Les nombreux liens qui formaient le collier porté initialement par Oya sont rompus. Chaque brin va être replacé, collé et doublé par une bande de papier japon mise en teinte. © ​ Marie Perrier et Camille Benecchi

Pour refixer ces éléments, des techniques mettant en œuvre des adhésifs cellulosiques ou protéiniques ainsi que des bandelettes de papier japonais teinté ont été utilisés. Les refixages ont ainsi permis de replacer les éléments désolidarisés suivant les positions identifiées grâce à la photographie publiée par Leo Frobenius et de garantir leur stabilité sur l’objet.

Restauration de l'autel de Shango

Les colliers et les ceintures, éléments fragiles, ont parfois été rompus. C’est le cas de la ceinture de perles qui ornait la taille d’Oya. © Marie Perrier et Camille Benecchi

Le travail de Camille consiste également à rédiger un rapport complet des interventions réalisées. Il permettra aux futurs conservateurs d’identifier ce qui avait été modifié en France, afin de différencier ce qui est « d’origine » et ce qui ne l’est pas. Il comporte également des préconisations pour manipuler l’objet correctement.

Restauration de l'autel de Shango

En lien avec le socleur du musée, Anthony Glais, Camille imagine comment maintenir les statuettes sur le plateau sans risque. © Marie Perrier et Camille Benecchi

De son pays d’origine au musée de Confluences, cet objet a connu plusieurs vies. Son étude, qui n’en est qu’à ses débuts, a pour objectif d’explorer l’histoire de « l’autel de Shango » depuis sa création jusqu’à son statut actuel d’objet patrimonial. Ainsi, nous souhaitons poursuivre ces recherches au Bénin afin de recueillir les réactions et les informations de ceux qui connaissent intimement Shango. Cet objet est également intégré à une recherche sur les matières colorantes utilisées au Bénin menée par Louis Fagbohoun (Enseignant-Chercheur attaché au laboratoire de Chimie/ Équipe de recherche appliquée aux substances artistiques et cultuo-bioactives/ École Normale Supérieure de Natitingou/ UNSTIM Bénin), Camille Romeggio (conservatrice-restauratrice), le laboratoire "Institut Méditerranéen de Biodiversité et d'Écologie marine et continentale (IMBE), UMR CNRS-IRD-Avignon Université-Aix-Marseille Université, Équipe "Ingénierie de la restauration et des patrimoines culturel et naturel" et le musée des Confluences.

Bibliographie

  • Noël Baudin, Fétichisme et féticheurs, Lyon, 1884.
  • Simone Blazy et al., De Fourvière au bout du monde le rayonnement du catholicisme lyonnais au XIXe siècle, Musée Gadagne, Lyon, 1996.
  • Henry John Drewal and John Pemberton III, Yoruba: nine centuries of African art and thought, The Center for African art, New-York, 1989.
  • Margaret Thompson Drewal, “Art and Trance among Yoruba Shango Devotees”, African Arts, Nov. 1986, Vol. 20, No. 1, p. 60-67.
  • Louis Fagbohoun, Cathy Vieillescazes, Carole Mathe et Camille Romeggio, « Couleurs et plantes colorantes dans l’art yoruba Enquête de terrain », CeROArt [En ligne], 11 | 2019. DOI : https://doi.org/10.4000/ceroart.6622
  • Leo Frobenius, Der Ursprung der afrikanischen Kulture, 1898, p. 320, images VII
  • Leo Frobenius, Völkerkunde in Charakterbildern des Lebens, Treibens und Denkens der Wilden und der reiferen Menschheit, 1902, p.229
  • Babatunde Lawal, “Embodying the Sacred in Yoruba Art”, in Embodying the Sacred in Yoruba Art, Selections from The Newark Museum Collection, 2012.
  • Babatunde Lawal, Yoruba, 5 continents, Milan, 2012.
  • Olanikè Ola Orie, “The Structure and Functon of Yoruba Facial Scarification”, Anthropological Linguistics, Volume 53, n° 1, Printemps 2011, p. 15-33.
  • Xavier Richer et Hélène Joubert, Danse avec Shango, Somogy, Paris, 2018.
  • Camille Romeggio, Sièges rituels yoruba Questions de conservation-restauration, entre contexte africain et recontextualisations occidentales, mémoire pour l’obtention du diplôme de conservation-restauration d’œuvres peintes, École Supérieure d’Art d’Avignon, 2007.
  • Institut Frobenius : https://frobenius-institut.de/