Raúl Barboza au musée des Confluences
Le chamamé
L'Argentine n'est pas la terre d'une seule musique. Si le tango y fait figure de symbole, d'autres notes, d'autres mélodies ont éclos. Au cœur de la pampa, dans la région de Corrientes (Nord-Est), à la fin du 19e siècle, les Indiens Guaranis inventèrent le chamamé, en mélangeant polka, mazurka et valse.
Le chamamé n'est pas juste un style ou un rythme. On y mélange le binaire au ternaire, on passe du majeur au mineur, il y a toutes sortes de nuances, de façons de le jouer.
Raúl Barboza
Résultat de la fusion des éléments culturels des guaranis, des découvreurs espagnols mais aussi des immigrants italiens et allemands, le chamamé contient l’histoire de l’homme et de son paysage. Il utilise l’accordéon et la guitare comme instruments principaux.
Raúl Barboza
Né en 1938 à Buenos Aires, Raúl Barboza grandit avec le chamamé. À la maison, on n'écoute que ça. Son père, musicien, lui achète son premier accordéon à sept ans. Il interprète avec lui dans les bals, cette « musique des gens pauvres, mal vue par les bourgeois ». Après ce premier maître, qui lui apprend à jouer à l'oreille, Raúl Barboza se prend ensuite d'admiration pour l'accordéoniste Ernesto Montiel qui devient son second père spirituel. « J'ai appris le style ancien qu'il développait ».
Plus tard, il donne tout son sens au mot chamamé, qui signifie « improvisation ». « Sans trop m'en rendre compte, j'ai commencé à ajouter de petites choses, transformant ainsi cette musique pour danser en musique à écouter », raconte Raúl Barboza.
Il y intègre des rebonds de jazz, univers découvert enfant, grâce à la radio des voisins. Dans ce même poste, il entend un jour, une émission consacrée à Yvette Horner qui lui permet de découvrir une autre manière de jouer de l'accordéon. Ce sera son premier contact avec la France, avant de s'y installer en 1987 pour faire connaître le chamamé.
« Êtes-vous indien ? »
En 1987, Raúl Barboza arrive en France « sans papiers ». Il réalise alors « comme un coup sur le nez » qu'il n'entre dans aucune classification. Il est argentin, mais ne joue pas le tango, ni du bandonéon.
« Êtes-vous indien ? » demande quelqu'un dans l'assistance. « Je me suis regardé dans la glace, et tout à coup je me suis rendu compte. À la maison on ne parlait jamais de ça »
Barboza se découvre une nouvelle liberté : ici sont permis « ces musiques que là-bas je pensais ne pas pouvoir jouer à cause du racisme interne ». Les autres accordéonistes lui font une place : Galliano, Azzola, Daniel Colin, Jo Privat. C'est ensuite l'académie Charles-Cros qui lui décernera un prix, aussitôt partagé avec ses amis musiciens de Buenos Aires, « ceux qu'on laisse dans l'ombre, qui, comme moi, ont été repoussés ».
Propos recueillis par Hélène LEE, Libération